When you see my face hope it gives you hell. (Clayton)

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Comme presque tous les soirs lorsque je terminais le travail, je me rendais directement à l'unique bar du village, dans le but de décompresser un peu. Non, je n'étais pas alcoolique, et je n'avais aucun problème en rapport avec l'alcool, il s'agissait juste là d'une habitude, d'une espèce de petit rituel du soir. Puis après tout, il fallait bien que j'occupe mes soirées autrement qu'en lisant un bouquin chez moi, bien que j'appréciais la lecture. Mes parents ainsi que mon frère n'étaient pas vraiment pour, mais j'étais majeure et vaccinée après tout. Enfin, façon de parler. Je n'étais pas du genre à suivre toutes les règles imposées, et j'avais la fâcheuse tendance à prendre un peu trop de libertés. Je tenais à mon indépendance. Bref. Je ne tardais pas à arriver devant le bar, les mains enfouies dans les poches de mon short en jean. C'est vrai que de l'extérieur, cette vieille bâtisse ne donnait pas envie de s'y arrêter. Bon, l'intérieur non plus, de toute façon. Mais comme il s'agissait du seul bar de ce village perdu, je ne faisais pas la difficile. Ce n'était pas comme si j'avais le choix. Poussant la porte en bois, je pénétrais enfin dans la salle enfumée et poussiéreuse. Comme toujours, les habitués étaient là. Et à leur tête, il n'était pas bien compliqué de deviner qu'ils étaient alcooliques. Je m'avançais alors un peu plus, le plancher craquant à chacun de mes pas. Jetant un coup d'œil de gauche à droite histoire de repérer une place libre, une silhouette m'interpella. Tiens, mais ne serait-ce pas Adam, l'ex de ma meilleure amie ? Je m'approchais donc, poussée par la curiosité, et constatais que j'avais raison. C'était bien lui. « Salut. » Le saluais-je sans même lui sourire. Puis, je ne me gênais pas et m'installais sur la banquette face à lui, posant mes coudes sur la table. Son regard précédemment plongé dans sa bière se releva vers moi, et je l'entendis soupirer. « Qu'est-ce que tu veux ? » Oh, quelle charmante façon de me dire bonjour. Il semblait ravi de me voir en tout cas. « Laisse une chance à Suzy. Elle sait qu'elle a déconné et elle s'en veut. Elle t'aime, merde. Y'a des hauts et des bas dans un couple, nan ? Bah voilà, vous avez vécu un bas, mais c'est pas une raison pour tout abandonner. Surtout avec une histoire comme la votre. » Déblatérais-je d'une voix quelque peu autoritaire, souhaitant faire bouger les choses de façon positive. « J'en sais rien. Elle m'a trompé. Elle m'a fait cocu, alors tu crois vraiment que je vais lui pardonner comme ça ? Juste parce que je l'aime ? C'est pas aussi facile. » Ce fut à mon tour de soupirer. Il pouvait être chiant quand il s'y mettait. « C'est bon, vous n'avez plus quinze ans. Vous êtes des adultes, alors agissez comme tels. Vous êtes cons tous les deux quand vous vous y mettez, de toute façon. Mais la vérité est que vous êtes faits l'un pour l'autre. C'est ennuyeux à dire, mais c'est vrai. Alors tâche d'y penser, surtout que t'es sûrement le garçon qui regroupe autant de qualités que le village entier réuni. » Miracle, je réussis à le faire sourire. J'avais de quoi être fière de moi. « Juste... Tu sais qui c'est, toi ? Elle n'a rien voulu me dire. Mais t'es sa meilleure amie, donc j'imagine que t'es au courant. » Certes, il n'avait pas tort. Seulement, j'avais juré à Suzy de ne parler de son amant à personne. Et encore moins à Adam. Alors il pouvait se fourrer le doigt de l'œil pour que je balance. « Désolée, mais elle n'a rien voulu me dire à moi non plus. Elle sait comment je suis de toute façon, à me mêler de tout. Elle s'est douté que l'autre aurait passé un sacré quart d'heure. » Mentis-je habilement, adoptant un petit air peiné. « Ouais. Merci quand même. » Il venait d'avaler mon mensonge. Tant mieux. Il ne tarda ensuite pas à se lever, prétextant avoir encore un peu de travail, puis il partit, me laissant seule. En tout cas, j'espérais que notre conversation le fasse cogiter. Bref. J'interpellais une serveuse qui passait, plateau à la main, et commandais mon verre de Bourbon habituel. La soirée s'annonçait plutôt agréable. Ou du moins, jusqu'à ce que je le vis. Le fameux barman appelé Clayton. Celui qui était la cause des problèmes de ma meilleure amie, et de son ex, par la même occasion. Je ne le connaissais pas personnellement, mais je le détestais déjà. Si bien que je ne pu m'empêcher de lui jeter un regard noir lorsqu'il regarda par chez moi.

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Non, je ne rêvais pas. Voilà qu'il me fixait, et sans aucune gêne, qui plus est. Je baissais alors immédiatement la tête, ne souhaitant pas lui faire penser qu'il pouvait m'intéresser. Quelle idée. D'habitude, quand je venais dans ce bar, sa présence m'indifférait. Ok, il était très agréable à regarder, mais ça s'arrêtait là. Après tout, je n'étais pas le genre de fille à allumer un mec qui me plaisait. Seulement, depuis cette histoire avec Suzy, je ne pouvais simplement plus le piffer. Je savais qu'il s'était joué d'elle, qu'il avait profité de sa naïveté pour la mettre dans son lit. Et visiblement, cela ne semblait pas le déranger plus que cela. C'était bien un homme. Tous les mêmes, à ne chercher qu'à séduire, et à s'approprier le corps d'une femme juste le temps d'une nuit. Ou de quelques nuits parfois. Mais cela ne va jamais plus loin. Ils ne cherchent rien de sérieux, mais préfèrent s'amuser, et tant pis pour les dommages collatéraux. Même mon frère était ainsi, à ramener une fille différente presque tous les soirs. J'avais beau l'engueuler à ce sujet, il s'en fichait. Il voulait profiter de sa jeunesse, parce que selon lui, on a qu'une vie, et il faut donc en profiter sans aucun regret. Mouais. Je n'approuvais pas son style de vie en tout cas. Et tant pis si je passais pour la petite sœur coincée où je ne sais quoi. Je ne l'étais pas, mais je respectais simplement trop ma personne pour faire facilement confiance aux hommes. Je n'étais pas stupide, après tout. Je savais très bien ce qu'ils attendaient de moi, avec leurs regards lubriques. Une partie de jambes en l'air, et hop. Rien de plus. Si cela pouvait convenir à certaines femmes, ce n'était pas mon cas. Je n'avais pas envie de servir comme jouet sexuel. Ce que, apparemment, mon frère ne comprenait pas, me faisant la réflexion que je me prenais la tête pour un rien à trop réfléchir. Et selon lui, je devais me laisser aller et profiter de ma beauté pour faire tourner les têtes. La bonne blague. Parfois, j'en venais même à me demander si j'étais réellement sa sœur. Enfin bref. Je me maudis alors d'avoir ne serait-ce que jeté une œillade vers ce Clayton, puisque, à ma grande surprise, le voilà qui se dirigeait vers ma table. J'espérais me tromper et me faire des idées mais malheureusement, ce ne fut pas le cas. Il s'installait juste en face de moi, un sourire charmeur pendu aux lèvres. De quoi m'agacer. Qu'est-ce qu'il me voulait ? « Soucieuse ? Angoissée ? A peine sortie d’une rupture ? ... Je peux être la solution à ton problème. Mon rôle n’est pas simplement de servir à boire. » Je levais les yeux en l'air. Tiens, il commençait son baratin. Était-ce avec ses belles paroles que Suzy s'était retrouvée dans ses filets ? Cette question me brûlait les lèvres, mais le pire, c'est que je ne devais pas lui parler d'elle. Je ne pouvais pas. Je me contentais alors de lui lancer un regard ennuyé, lui montrant bien qu'il n'était pas le bienvenu à cette table. N'avait-il pas du travail, d'ailleurs ? « Non merci, je me débrouille très bien toute seule. Donc allez faire votre petit baratin à quelqu'un d'autre, ce n'est pas les filles qui manquent ici, après tout. » Je m'étais montré glaciale, mais c'était le but. Voyant qu'il ne pourrait obtenir ce qu'il désirait, il allait sans doute me laisser tranquille. C'est à ce moment là qu'une serveuse arriva, déposant devant moi mon verre de Bourbon. Je la remerciais donc brièvement avant de reposer mon regard sur mon interlocuteur, attendant son départ. Hum, c'était peut-être un con, mais au moins, il avait de beaux yeux. Sans doute un autre de ses atouts pour faire succomber les femmes, tiens.

Je venais de lui adresser un «bonjour» typique de moi. Et avec le sourire aussi séduisant qu'insolent, en plus. Mais la jeune femme ne fut pas aussi réceptive que celle de la veille, que j’avais rencontrée quelques tables plus loin. Celle-ci, au lieu de se montrer intéressée par ma personne, se contenta de soupirer vaguement et de regarder ailleurs un bref instant, avant de me fixer à nouveau, afin de me montrer que je n’étais pas le bienvenu. Ce regard, je n’y étais pas habitué, et c’était assez... perturbant, pour ne pas dire, désagréable. « Non merci, je me débrouille très bien toute seule. Donc allez faire votre petit baratin à quelqu’un d’autre, ce n’est pas les filles qui manquent ici, après tout. » Son ton était aigre et assez hautain, comme elle, sur le coup. Mais je n’étais pas le genre d’homme à baisser les bras rapidement. Je gardais cet infime sourire sur mes lèvres, ne la quittant pas du regard. Au moins, elle avait du répondant, c’était toujours bon à prendre. Un des serveurs lui amena un verre, je regardai le jeune homme avec un sourire bref, signifiant «t’es gentil, mais tu ne vas pas rester ici trois heures...», et reposai à nouveau mon regard sur elle. Elle semblait vraiment attendre que je déguerpisse, mais je n’en avais pas du tout l’intention, bien au contraire. J’aimais séduire, par n’importe quel moyen, elle le saurait bientôt. Je décroisai mes jambes et m’accoudai sur la table. « Et bien j’aime baratiner, et j’ai horreur qu’on me dise ce que je dois faire alors, si j’ai envie de rester là, avec toi... » avouai-je, peu conventionnel. Un homme poli et correct se serait probablement excusé et se serait levé, afin de partir, mais je n’étais pas cet homme. J’étais rentre-dedans, et spontané. Et puis je la tutoyais sans aucune gêne, alors qu’elle me vouvoyait... Je fais si vieux ? En tout cas, elle semblait jeune. Vingt ans, peut-être un peu plus. Son visage me disait quelque chose à vrai dire. Je l’avais certainement déjà vue ici, c’était même certain, sachant que Wollanup ce n’est pas Sydney, mais le bar ne devait pas être son lieu de prédilection non plus. Ou alors, j’étais aveugle. On ne loupe pas une femme comme elle. Toujours plus insistant, je ne délogeai pas mon regard clair du sien, et sourit. « C’est vrai que ça ne manque pas de filles ici, mais je m’intéresse à toi. Tu vas me dire que ça te dérange, peut-être ? T’as un copain, c’est ça ? » dis-je, réellement curieux de savoir, même si j’avais adopté un ton plutôt détaché. Et puis, ce ne sont pas les copains qui me rebutent, en général. Et la majorité des femmes en couple se fichent pas mal de ça aussi. Mais quel genre de femme était-elle, elle ? Mon regard la sondait, et mon petit sourire en coin était certainement destiné à la captiver.