Move on — Honey & Robin

Cela faisait quelques semaines que Honey était arrivée à Wollanup. Et cette minuscule ville au beau milieu de nulle part lui plaisait de plus en plus. Déjà, parce qu'elle était sure et certaine que, ses parents comme le fiancé qu'elle avait abandonné, aussi riches et influents soient-ils, ne pourraient jamais la retrouver. Ensuite, parce qu'aussi drôle que son road trip improvisé ait pu être, elle n'avait jamais réellement trouvé ce qu'elle cherchait en partant. En fait, elle ne savait pas franchement ce qu'elle cherchait ; la paix, la liberté, un truc qui ressemblait de près ou de loin au bonheur, se sentir vivante peut-être. Mais ici, au moins, elle était bien et elle avait l'impression que, quoiqu'il arrive, elle ne se sentirait jamais obligée d'être ici. Remarque, vous me direz, heureusement, vu qu'il était formellement interdit de quitter Wollanup.

Quoiqu'il en soit, ceci expliquant cela ou non, on pouvait dire que Honey, après quelques mois de vie nomade, s'était faite à ce trou qui vivait comme il y a cinquante ans. Elle s'en fichait de ne pas avoir accès à Internet ou de ne pas pouvoir mettre plus de cinq litres d'essence dans sa voiture à chaque fois (enfin, ce dernier point l'embêtait tout de même un peu plus, étant donné que ça multipliait ses visites à la station service). Ici, tout était plus facile : elle n'avait pas besoin de planifier sa vie ou suivre une sorte de plan qu'on avait décidé qu'elle suivrait. Elle pouvait passer sa journée à admirer le ciel que ça n'aurait dérangé personne. Et c'était vraiment reposant. Tellement reposant qu'elle en oubliait presque la dure réalité des choses ; à savoir qu'il lui fallait manger de temps en temps et qu'en conséquence, il lui fallait s'acheter à manger. Elle se décida donc à sortir de sa léthargie quotidienne pour aller jusqu'à l'épicerie ; comprenez faire quelques centaines de mètres à pieds.

Une fois arrivée, elle se mit à déambuler dans les deux-trois rayons qui composaient la seule épicerie à des kilomètres à la ronde. Elle songea qu'elle ferait peut-être mieux de se trouver un job, histoire de ne pas perdre une fois de plus tout son fric sur un coup de tête. Et puis, elle avait fait médecine ; elle pouvait bien être serveuse ou une connerie du genre. Elle attrapa un paquet de pâtes et eut une légère moue en voyant le prix. Ils se faisaient pas chier, ici, dites donc. Enfin, c'était pas comme si elle avait le choix. Elle le mit dans son paquet et poursuivit ses achats en cherchant vaguement quelque chose pouvant accompagner les dites pâtes. A ce moment-là, la clochette tinta, signalant qu'un client venait d'entrer. Elle leva les yeux pour les baisser aussitôt en jurant intérieurement. Robin. Qu'est-ce qu'il foutait là, bon sang ? Il avait pas un boulot qui était censé lui prendre la journée normalement ? Bien entendu, il était utopique d'espérer l'éviter dans les 20 mètres carrés que faisaient la boutique. Et elle n'avait pas envie de le croiser. Alors, prise d'une panique soudaine, elle attrapa le premier truc qui lui tomba sous la main. Elle trouva alors un intérêt certain à l'étiquette du rasoir qu'elle avait récupéré, sachant pertinemment qu'elle perdait toute crédibilité en faisant mine de s'intéresser au fait qu'il ait trois lames et soit jetable. Mais ça, c'était secondaire : le plus important, c'était qu'il prenne son pack de bières ou le truc qu'il était venu acheter et se casse. Si possible, en adoptant la même technique qu'elle et l'ignore totalement. Mais quelque chose en elle lui disait que ça n'allait pas se passer ainsi ; ce serait trop beau.