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 Les piqûres d'araignée [Jim]

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Nemo Thackeray
Y'a pas un western sur la 9 ?
Nemo Thackeray


Messages : 315
Localisation : Dans une grange abandonnée.
Crédits : Babine.
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MessageSujet: Les piqûres d'araignée [Jim]   Les piqûres d'araignée [Jim] EmptyMer 27 Avr - 13:22

Les piqûres d'araignée [Jim] Epf57n Les piqûres d'araignée [Jim] Avajared04
    << But my hand was made strong by the hand of the almighty - we fought in this generation triumphantly.>> Redemption song - Bob Marley


Je ne suis pas un fouineur: j'aime les vieilles choses. Et voilà qu'à moitié dénudé par la chaleur, j'erre dans l'ancienne maison de mes parents, abandonnée parce que mal vue des habitants: un couple qui a abandonné Wollanup, mon dieu, ça ne se fait pas! Mes pieds, nus, amassent la poussière. Ça forme un petit duvet qui protège mes pieds comme si l'âme de mes parents s'appliquait à protéger leur fils délaissé trop tôt jusqu'au bout. Je me demande si Jude ou Jules reviennent ici, parfois. Je me demande si Jules souffre de ce que nos parents nous aient laissés plus que de la mort de Romane. Le noyau familial que nous composons, plus qu'autre chose tenant à la réalité, je le perçois très bien. C'est une attache, une amarre accrochée à moi, bateau indiscipliné. Les éclairs passent dans l'image de cette maison sentant le délabré et le suranné. Une partie de ma vision semble en noir et blanc, comme si ce que j'avais devant moi était une feuille qu'on avait déchirée au milieu pour percevoir en même temps un bout du dessin en couleur, un bout du dessin en film muet. J'ai envie de toucher à tout pour attraper des bouts de ces choses qu'on appelle des souvenirs, mais cette maison, je ne la connais pas, je ne lui appartiens pas, Jules seul y a vécu. Moi, je suis né en Norvège, et quand j'ai été ramené à Wollanup, je fus tout de suite, avec Jules, avec Jude placé chez d'autres Thackeray. On changeait régulièrement de foyer Thackeray. Qui parfois avaient pitié, et à d'autres moments nous détestaient. La compassion, je ne sais pas vraiment comment ça fonctionne, mais ça existe chez les gens normaux qui, avec la mécanique de leurs bras, s'enlacent, essuient des larmes du bout des doigts, passent une main dans les cheveux - on est pas vraiment passés par là. On aurait pu aider des gens. Parfois j'ai juste l'impression qu'on a été maudits.

Tout ça me fiche une migraine monstre. Je déambule dans la maison Thackeray, cherchant des objets, n'importe quel vestige que je puisse exposer chez moi pour voir Janet râler, et pour me voir fabriquer des souvenirs que je n'ai pas. Je n'ai pas eu de père, pas eu de mère, j'évolue entre les bras de mes frères et sœurs et du clan Thackeray, puisqu'il a fallu qu'il s'occupe de moi, plus que des autres, je le crains. Je porte mes doigts poussiéreux à mes lèvres - on dirait que j'ai une barbe vieillie de cinquante ans, maintenant. Je ne tousse pas, je laisse faire. Je n'ai jamais eu beaucoup de cohérence. Je vogue. Mes doigts s'accrochent à nouveau aux irrégularités du mur de bois. Puis très vite, c'est une des irrégularités qui s'accroche à mon index, et je tire, voir. Une planche tombe, révèle un trou creusé à même les briques. Il est rempli de papier, de lettres, de choses comme ça. Je me demande si c'est l'écriture de ceux qui furent mes parents. Si c'est le cas, alors, alors? Est-ce que si je les touche, les lettres vont frémir de bonheur et s'enlacer autrement pour former des mots différents, des mots qui s'adressent à moi? Non, Nemo, non. Apprend à réfléchir comme les autres, ça, ça ne veut rien dire. Pourquoi ces constants rappels à l'ordre envers moi même? Je ne sais pas. Je voudrais fondre dans la masse en gardant ce qu'ils appellent une 'sensibilité'. Je suis fatigué d'être particulier. Ou plus précisément, d'être dans une phase de transition qui fait que tantôt je songe, tantôt je forme des raisonnements. En somme: tantôt je pourrais parler aux autres, presque, tantôt aller en pleine rue me fait peur. Je-suis-un-enfant. Qui découvre et appréhende. Un enfant déshabitué des autres. Je me dégoute, parfois.
Mes yeux frôlent un nom. Je ne suis pas très fort quand il s'agit de lire, ça me demande un temps fou, ça m'énerve vite. Cependant ce tracé me rappelle un que je connais déjà. C'est un nom de Wollanup, donc. Je sais! Le père Scolvine. Incapable de lire le prénom, capable d'en retenir le dessin, je me plonge dans la semi lecture symbolique de cette lettre. Je n'y comprend pas grand chose, pour dire la vérité, et mon esprit, comme un jeune chien en laisse, me tire vers le reste de la maison avec insistance et énergie. Pour une fois je ne lui obéis pas. Et caresse des yeux les contours de ces mots qui ont l'odeur délicieuse de ce que je ressens quand j'ai envie de dire un truc à Janet - ça ne veut rien dire, je sais pardon. L'évidence frappe la pupille, en somme: c'est une lettre d'amour. Ma mère et Scolvine? Non. Le nom, là-haut, casé avant la virgule d'adresse, ce n'est pas celui de la mère, mais celui du père.

Le rêve récurrent de Bad Wolf Bay s'installe dans ma tête comme si quelqu'un y avait installé un cinéma en plein air. Mon père n'a plus le regard bienveillant du type qui n'est plus là mais sait, il a le regard du type lourd de secrets, de ces secrets qui vous écrasent et finissent par vous tuer. A Wollanup comme ailleurs, on ne trompe pas sa femme. Mais à Wollanup encore plus qu'ailleurs, on ne trompe pas sa femme avec le père d'un autre clan. Je n'en pense rien. Mon esprit se vide pour laisser place à un sentiment presque neutre: la curiosité. Dans ma douce naïveté, je me dis que parler à Jim reste la seule solution. Peut être qu'il sait? Peut être que ça lui fera plaisir de découvrir de nouvelles choses sur son père. Loin de moi, encore, l'idée que tout ça a peut être causé les deux suicides. Que concrètement, ici, ce n'est 'pas bien'. Tout ça m'échappe, et d'ailleurs, je ne devrais même pas pouvoir le dire à la première personne (bref). Je m'aventure dehors pieds et torse nus, la lettre dans ma main. Je n'ai pas regardé s'il y en avait d'autres. On verra bien. Ça n'appartient plus qu'à moi ou à mon souvenir personnel, il s'agit de ceux de Jim aussi maintenant. Nous n'entretenons aucune amitié (par ailleurs je n'en entretien pas vraiment avec qui que ce soit, mais bref), mais nous partageons une certaine sympathie l'un pour l'autre - le respect qu'il existe entre certaines familles ou génération de Wollanup. Il n'est pas loin, accoudé au Bold Stump, en pleine discussion. J'arrive, tout simplement. L'image de Bad Wolf Bay ne s'est pas encore effacée de ma tête, et ça, plus que ce que je tiens à la main, me trouble.
Je souris à Jim, de ces sourires qui n'ont rien à voir avec la situation actuelle, lui tend le papier. Attends, songeur.

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