ASTRID ϟ born to be wild.

J'avais dix-huit ans, lorsque j'appris le mensonge autour de mon existence.

J'étais assise sur cette chaise peu confortable, repassant doucement mes doigts sur ma jupe afin d'effacer un pli qui s'y formait je finis par prendre le stylo dans ma main gauche. Je m'appelle Astrid Bellhart, j'ai aujourd'hui treize ans et pour mon anniversaire, Maman m'a acheté ce carnet. Je suis née le jour de l'hiver et aujourd'hui, il neige. C'est la première fois que je vois des flocons tombés pour mon anniversaire. Je n'ai pas de père, Maman dit que je n'en ai pas besoin, que c'est bien mieux ainsi. Je n'ai jamais sû où était mon père. Je l'ai pourtant demander plusieurs fois, m'étonnant de ne pas en avoir alors que tous mes camarades de classe en avait. J'avais même une amie qui en avait deux, alors je lui avais demandé de m'en prêter un, je l'avais dis à Maman mais les choses ne sont pas aussi simples, avait-elle répondu. Nous habitions dans la banlieue de Paris, dans une vieille maison qui sentait le renfermé et l'encens et qui aurait eu bien besoin d'être repeinte. Les murs de ma chambre étaient jaunes passés alors que ceux de la cuisine étaient d'une couleur indéfinissable entre tâches d'huile, de sauce et saleté. Il faut dire qu'il fut un temps ou les deux morveux, Lila et Arthur, passaient leur temps à envoyer la nourriture après le mur pour voir lequel allait le plus haut. Deux diables. Eux, ils ne vivaient pas tout le temps chez nous, ils allaient cher leur père, une semaine sur deux et ça m'allait aussi bien, de toute manière je ne les supportais pas, ils ne faisaient que hurler et se jetter au sol. Ma mère, elle, en parlait souvent, elle aurait aimé qu'ils vivent tout le temps chez elle, et leur père aussi par la même occasion et c'est ce qui arriva deux ans plus tard. On voulut me faire changer de nom, que je porte celui de Vannier, moi aussi, mais j'ai refusé, je ne voulais n'avoir rien à voir avec cet homme. Nous avons ensuite déménagé. Il était riche, et notre petite maison ne vallait rien à ses yeux et nous avons emménagé dans un quartier beaucoup plus riche, tous les cinq. Je savais bien que je n'étais alors qu'un fardeau, une tâche qui empêchait leur bonheur d'être parfait. Oui, ça puait le bonheur, l'amour et la joie. Et puis un jour, on m'a dit que je devrais partagé ma chambre avec Lila, qu'un nouveau venu arrivé. Il s'appelait Derren et avait les yeux les plus magnifiques de la Terre. Il était né du premier mariage de Monsieur Vannier mais sa mère ayant été placée dans un hopital psychiatrique, il se voyait à présent obligé avec vivre avec lui, avec nous, avec moi. Toutes ces histoires de famille étaient beaucoup trop compliquées pour moi entre mariage, divorce et réconciliation, je n'avais pas tout suivi mais n'avais retenu qu'une chose, je n'avais aucun lien de sang ni de parenté avec lui. Derren lisait beaucoup, il aimait d'ailleurs tout particulièrement George Sand, comme moi. Il m'appelait Fadette, il disait que j'avais aussi des yeux magnifiques et des cheveux sombres comme elle. De plus, il me disait mystérieuse, différente des autres. Il faut dire que je n'avais eu jusqu'ici beaucoup d'amis à cause de cela mais je préférais de loin m'asseoir seule au pied d'un arbre que d'aller à une soirée avec d'autres. C'est d'ailleurs adossée au près de l'un d'eux, alors que je peignais, qu'il vint me voir. Il prétexta une scène de théâtre à répéter et m'incita à entrer dans le rôle féminin, avant de m'embrasser, pour la pièce disait-il. C'était le plus doux des baisers que j'eus jamais reçu, un baiser court mais remplit de toute la tendresse dont un être humain était capable. La vie a ensuite repris son cours. Je savais pertinemment qu'il n'avait aucune pièce à réviser et me demandais donc pourquoi il avait fait cela. Je le sus quelque jour plus tard, alors qu'il vint dans ma chambre, m'embrassant à nouveau sans, cette fois, prétexter de pièce à revoir. Depuis cette soirée-là, nous nous vîmes en cachette, nous embrassant lorsque les parents avaient le dos tourné. Nous savions pertinemment l'un comme l'autre que s'ils l'apprenaient nous pouvions signé notre arrêt de mort, pourtant c'était bien plus qu'une amourette de passage et nous ne pouvions en rester là. Il m'apprit la mythologie grecque, et me surnomma Astrée, la fille étoile, la fille de Zeus incarnant la Justice car il disait qu'il ne connaissait de personne plus juste que moi.

A seize ans je rencontrais un autre garçon, un autre qui disait m'aimer. Un de ceux qui pourrait m'aimer sans avoir à se cacher. Ma mère se demandant pourquoi je ne lui ramenais jamais de petit ami, je me mis à sortir avec lui, Derren étant au courant et d'accord, sachant que cela nous permettrerait de continuer sans que personne n'est la puce à l'oreille. Je n'aimais pas l'autre garçon, et cela ne dura pas bien longtemps, juste assez de temps pour que Derren se trouve aussi une petite amie, et puis une autre, et encore une autre. Il se mit à sortir avec plusieurs filles, les enchaînant. Il disait faire cela pour que son père ne s'inquiète pas lui non plus pourtant, chaque fois que j'apprenais le nom d'une autre de ses conquêtes, je souffrais un peu plus. J'avais l'impression de mourir à petit feu. Il vint de moins en moins souvent me retrouver au pied du grand saule pleureur où il m'avait embrassé la première fois et où nous avions l'habitude de nous retrouver après les cours. Puis il ne vint plus du tout. Ce jour-là, je sus qu'il n'y aurait plus de nous. En quelques temps, Derren avait beaucoup changé. Il avait fait mettre de côté tous ses livres, les ayant remplacé par une guitare, il disait que cela faisait tomber les filles comme des mouches. Il accrocha des posters de Megan Fox dans sa chambre, ainsi que d'autres actrices dont le nom m'échappa. Ce fut la première fois que j'eus l'impression de vivre avec mon demi-frère. Derren, le garçon que j'avais connu un an plus tôt avait entièrement disparu laissant place à un dragueur qui se prenait pour le roi du lycée. A partir de ce moment-là, je me mis à vivre dans son ombre. Je redevins celle que j'étais avant, toute fois encore plus solitaire et sortis aussi avec plusieurs garçons.

J'avais dix-huit lorsque j'appris le mensonge autour de mon existence. Toute la troupe Vannier était de sortie, Derren y comprit, et j'étais à la recherche de mon pendentif porte-bonheur, héritage de ma grand-mère, une des personnes auxquelles je tenais le plus au monde, lorsque je tombais sur une lettre à mon nom sur le bureau de ma mère. Elle avait déjà été ouverte, et même lue plusieurs fois à voir l'usure de l'ouverture de l'enveloppe. Je sortis précautionneusement le papier et me mis à lire. Chère Astrid, ici ton père, ton vrai père je veux dire. Je m'excuse, cent fois, mille fois s'il le faut, de n'avoir été présent pour toi mais la vie n'est pas toujours simple et on ne fait pas toujours ce que l'on veut. J'ai aimé ta mère, plus que tout l'or du monde, mais j'ai été obligé de retourné d'où je venais, un village dont je ne peux te donner le nom. J'ai pensé vous protéger en vous laissant à Paris, la vie ici n'est pas simple et ta vie serait beaucoup plus simple dans la capitale. J'ai écris cette lettre avant de partir car je me doute que je ne pourrais le faire une fois que je serais rentré. Je ne pourrais jamais revenir à Paris, c'est dur, mais c'est comme cela, je n'ai pas le choix. En attendant, j'espère ne pas avoir gâché ta vie et j'espère que tu seras heureuse tout comme ta mère le sera. Sois gentille, essayes de lui trouver un mari aimant qui saura prendre soin de toi et d'elle. Je vous souhaite tout le bonheur du monde à toute les deux, je t'aime. Signé, Papa. Il avait joint à cela un livre de Bambi que je me mis à lire et à relire. Il avait dessiné des fleurs autour de chaques pages, il avait aussi laissé des petits mots et je ne me séparais plus jamais du livre. J'appris à ma mère ma découverte dès qu'elle fut rentrée. Elle fut très chamboulée, mais finit par me demander pardon de m'avoir caché cela si longtemps, je ne lui en voulais pas, j'étais tellement heureuse de savoir que j'avais, quelque part, un père qui m'aimait. Je savais à présent qu'il ne nous avait abandonné parce qu'il ne nous aimait pas ou bien parce qu'il avait eu peur de devoir assumer la grossesse de ma mère et cela me réjouissait. Je lui demandais si elle n'avait pas une idée d'où il pouvait être, elle me dit qu'elle savait que c'était en Australie, dans le nord mais qu'elle ne savait rien de plus. Je l'embrassais alors sur la joue, elle savait ce qui allait suivre et pleurait d'ores et déjà. Je commandais un billet d'avion le lendemain, je partirais la semaine suivante. Avant de partir, j'embrassais Derren, et le giflais ensuite, lui disant qu'il avait été le plus beau connard que j'eus jamais connu puis je pris l'avion.
Un an. J'ai passé un an à tourner dans tout les sens dans le territoire Nord. Un an que je cherche mon père et voilà qu'aujourd'hui je l'ai trouvé. Il y a maintenant deux semaines, j'ai rencontré quelqu'un dans un bar, c'était un des jeunes de Wollanup, un de ceux envoyés pour repeupler le village, nous avons parlé, il a décidé de m'embarquer ici. Au départ, je l'ai pris pour un psychopathe qui voulait m'enlever, et puis, j'ai compris que cette histoire ne sortait pas de son esprit, je l'ai laissé m'embarquer sans savoir où j'allais retenant seulement sa promesse de me présenter mon père et le reste de ma famille. J'allais donc non seulement retrouver mon père mais aussi d'autres personnes du même sang que moi ! Je m'endormais et me réveillais le lendemain à Wollanup. Cela fait maintenant trois mois que je suis ici.